Spartacus & Cassandra
Spartacus & Cassandra Bande-annonce VF

Rencontre riche et émouvante avec Camille Brisson, l'actrice "bonne fée - vilaine sorcière" et Ioanis Nuguet le réalisateur du film-conte ce matin au Cinéma Le Royal.

Lundi 13 avril, notre classe de seconde 6 rencontrait Ioanis Nuguet accompagné de Camille, après la projection de son film Spartacus et Cassandra. Nominé à Leipzig, Berlin, aux premiers plans d'Angers et au festival ACID à Cannes, ce docu-fiction, ou on préférera plutôt l'appeler ce « conte-documentaire », nous présente la vie de deux enfants rroms immigrés en France. Ils devront choisir entre leurs parents, l'un alcoolique l'autre folle, et Camille, jeune femme de 21 ans installée dans un « bidon-cirque » à Saint-Denis, qui propose de les aider.

Ioanis Nuguet revendique le statut de "conte" qu'il donne à son film: il a décidé d'écrire la structure de son documentaire en suivant celle d'un conte à hauteur d'enfants où Spartacus et Cassandra seraient recueillis par la "bonne fée" ou la "sorcière" Camille qui les accueille dans son cirque. Les deux enfants sont contraints à devenir les parents de leur parents, comme dans les contes des frères Grimm, par qui Ioanis se dit très influencé.

Pour maintenir une unité visuelle dans chacun des chapitres de son conte, le réalisateur choisit d'utiliser une caméra et/ou une pellicule différente pour chaque bloc narratif (super 8 ; numérique ; 16 mm). En découle alors une photographie, un travail sur le grain, « la matière », minutieux qui témoignent du long apprentissage que s'est infligé Ioanis.

En effet, le réalisateur est un vrai autodidacte. « C'est la cinéphilie qui m'a amené à la réalisation » explique-t-il. Il a donc passé beaucoup de temps sur les terrains (où il a rencontré Spartacus et Cassandra) pour expérimenter ses techniques de réalisation. Il explique qu'il a tourné de nombreux films de baptêmes et de mariages, dont un entièrement filmé au niveau des pieds ! « On me voyait toujours avec ma caméra. Tout le monde me connaissait au cirque et sur le terrain. Un jour, Spartacus s'est approché et m'a demandé de le filmer. Et là, surprise, il s'est mis à rapper ». Ioanis montre alors la vidéo à son producteur et commence à écrire le scénario de Spartacus et Cassandra. «J'écrivais au fur et à mesure, tentant de prévoir ce qui pouvait arriver » (disputes avec le père souvent saoul, appels de la mère etc … qui sont des événements récurrents) « Mais on gardait toujours cette trame que j'avais écrite. C'est un peu un texte à trous ».

C'est donc inspiré par ses personnages que Ioanis écrit son film. Il est vrai qu'ils sont tous deux très « ciné géniques » comme il aime à le dire. A l'époque, « Sparta » était plus présent que sa sœur, « même si les choses changent un peu en ce moment», glisse avec complicité Ioanis à Camille, « c'est ce qui peut expliquer sa place très importante dans le film, ce n'est pas volontaire ».

Le tournage est simple et s'étale sur un an et demi environ. Ioanis est seul derrière la caméra, avec une preneuse de son. On remarquera d'ailleurs l'absence du réalisateur, l'absence de commentaire exceptés les espaces d'expression laissés aux enfants tout au long du film, et le rythme du montage qui donnent au documentaire son aspect de fiction. Le réalisateur explique sa volonté : « Il y avait une convention : pas de regard caméra, et on ne parle pas de moi».
Toutes ces règles échappent à une personne : la mère de Spartacus et Cassandra. Elle est la seule à pouvoir regarder la caméra : « Elle brise les limites, elle est folle, on doit la laisser être dans son monde ». Cette exception passe aussi par la bande-son du film, constituée uniquement de sons ambiants, (accordéon pendant la fête par exemple). La volonté de Ioanis de créer des ambiances sonores riches et parfois décalées se traduit par un important travail de mixage. On pense notamment aux sons oppressants du bidonville (craquements, sons de tissus etc.) qui sont réalisés à partir de bruitages de … bateaux ! La seule bande son "hors sujet" du film, à part la musique de fin, c'est la musique classique dans la forêt où l'on découvre cette fameuse mère. Tout lui est permis.

Outre le sujet du film, la rencontre fût aussi l'occasion de parler futur, et présent. Que sont devenus Spartacus et Cassandra ? Ils ont été recueillis par Camille dans la maison que l'on voit à la fin du film. Camille a d'ailleurs obtenu le statut de famille d'accueil. Elle vit donc avec les deux enfants, et … avec Ioanis. Ils sont même venus avec leur toute petite fille qui a fait beaucoup rire la salle. Spartacus est au lycée, il n'envisage pas de devenir rappeur, trop de travail pour lui ! Cassandra, elle, est au collège. Les deux enfants gardent les pieds sur terre, sans prendre la grosse tête. La mère des enfants a été internée, le père a fait un séjour en prison, la situation des parents ne s'améliore pas. Concernant Ioanis, il a d'autres projets en marche, plutôt orientés vers la fiction cette fois. Mais il ne veut pas faire jouer des acteurs, il veut garder cette spontanéité du documentaire, voyant toujours la frontière entre ce genre cinématographique et la fiction comme très mince : « C'est la même chose, même au niveau de la grammaire filmique ... ». Ioanis sera présent au prix Jean Renoir, sûrement accompagné de « Sparta ».
Le ressenti de la classe sur cette rencontre est très positif. Découvrir le film du point de vue de l'auteur est vraiment enrichissant, on comprend toute la démarche de l'artiste et cela nous aide à expliquer le rendu si particulier du film, perché quelque part entre la fiction, la réalité, et le conte ...